Les universités françaises manquent-elles de visibilité sur le Net ?

La dépêche du GFII : Les universités françaises

Les universités françaises manquent-elles de visibilité sur le Net ?

L’information :
Un article d’Isidro Aguillo paru dans la livraison d’octobre/novembre de la revue britannique Research Information rend compte de travaux de métrique du web menés au Cybermetrics Lab, une unité du Centro de Información y Documentación Científica (CINDOC), homologue espagnol de l’INIST. Ce laboratoire publie depuis 2004 un classement (Webometrics ranking of World Universities, www.webometrics.info ; dernière mise à jour : juillet 2007) des universités et organismes de recherche. A la différence des classements du type “classement de Shanghai” qui visent à mesurer les performances des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, le classement proposé par le CINDOC vise à mesurer au travers d’un indicateur simple la “visibilité” des universités et des organismes de recherche sur le Net.
Sur la base d’un échantillon initial de 13 000 universités et de 4 500 organismes de recherche au plan mondial, le CINDOC classe par rang décroissant 4000 universités ou établissements d’enseignement supérieur et 1000 organismes de recherche. Ce classement mondial est ensuite ventilé en différents sous classements. Si l’on accepte les prémices méthodologiques qui fondent cet indicateur et si l’on s’intéresse à la position des institutions françaises, on aboutit à un double constat : les grands établissements publics scientifiques et de recherche français obtiennent des performances très honorables en matière de “visibilité” sur le Net, par contre les Universités françaises affichent pour ce même indicateur de très mauvais indices. Seule,l’Université Claude Bernard de Lyon 1 et l’Ecole Normale Supérieure de Paris apparaissent dans le “top 100″ européen (respectivement au 68ème rang et au 100ème) du classement des universités européennes, au même niveau que l’Italie (deux établissements classés) mais loin derrière l’Allemagne (31 universités au sein du top 100 européen), les pays scandinaves, (17 universités classées), la Grande Bretagne (15 universités classées), les Pays Bas (8 universités classées) et même l’Espagne et la Suisse (avec chacune 5 universités classées).

L’analyse de la Dépêche :
Comme les classements publiés sur les sujets les plus divers par la presse, ou, dans un domaine voisin, le “classement de Shanghai” des établissements de recherche et d’enseignement supérieur, le “Webometrics ranking of World Universities” publié par le CINDOC espagnol n’est pas sans comporter une part d’ “affichage” qui demande à être évaluée. Les données brutes de ce classement stimulent cependant une réflexion utile à la fois sur la notion de visibilité des institutions d’enseignement supérieur et de recherche sur le Net, mais aussi sur les apports essentiels que recèle un approfondissement des “métriques” du Web.
Le mérite de l’indicateur construit par le CINDOC tient à sa simplicité et à sa robustesse : cet indicateur baptisé WR (pour World Ranking) tient compte de 4 facteurs. Le facteur S (pour “size”) mesure pour le site Web d’une institution donnée (organisme de recherche ou établissement d’enseignement supérieur) le nombre de pages uniques référencées sur quatre moteurs de recherche : Google, Yahoo ! MSN Live Search et Exalead). Le facteur V (pour “visibility”) mesure (à partir des données fournies par les mêmes 4 moteurs de recherche) le nombre de liens entrants vers les sites de ces institutions. Le facteur R (pour “riche files”) est plus qualitatif : il mesure à partir des données Google la diversité des formats de fichiers proposés sur ces sites (Adobe Acrobat, Adobe Postcript, MS Word, MS Powerpoint). Enfin le facteur Sc (Pour Scholar) mesure plus spécifiquement et pour ces mêmes sites le nombre de références d’articles le nombre d’articles ou de rapports issus de ces sites et référencés par Google Scholar (ce facteur mesure donc ce qui au sein de ces sites Web institutionnels relève d’une logique de communication scientifique). L’indicateur WR est alors calculé en attribuant un facteur de pondération de 50 % au facteur V, de 25% pour le facteur S et de 12,5% pour les facteurs R et Sc, équilibrant ainsi dans l’indicateur composite le facteur de visibilité d’une part et les facteurs plus descriptifs de la taille et de la composition qualitative des sites webs analysés.Si l’on s’intéresse au seul classement Top 100 européen des universités et établissements de recherche, l’indicateur WR illustre une véritable “fracture numérique” entre schématiquement l’Europe du Nord (Allemagne, Grande Bretagne, Pays scandinaves, Pays-Bas) et l’Europe latine (y compris la France) avec des écarts importants de l’indice entre le premier groupe de pays et le second. Le classement des établissements de recherche (top 100 mondial) dessine une toute autre carte : la France obtient ici des performances très honorables. Elles placent 12 de ces grands établissements de recherche français au sein de ce Top 100, ne le cédant qu’aux Etats-Unis (qui enregistre 42 agences ou établissements de recherche non universitaires dans ce Top 100). Ces résultats très contrastés en ce qui concernent la France tendent à valider la pertinence de l’indicateur WR. On retrouve en effet dans les classements qu’il sous-tend le reflet direct d’un double constat souvent fait ailleurs : le rôle particulièrement important en France des grands établissements de recherche publics d’une part ; d’autre part le poids insuffisant des universités françaises sur la scène internationale dans leur périmètre actuel. La pauvreté des sites Web des établissements d’enseignement supérieur français que semble détecter l’indicateur WR rejoint nombre d’autres constats sur la situation préoccupante de ces établissements dans le cadre de comparaisons internationales.

Un autre constat plus général peut être formulé sur la base des travaux publiés par l’institut espagnol : l’importance des développements en matière de “métrique du Web”. Si la réduction de ces métriques à de simples problématiques de classement est sans doute discutable, il n’en est pas moins vrai que tout ce qui touche à ces nouvelles métriques du Web comporte des enjeux stratégiques importants. C’est vrai dans le domaine des usages marketing de ces métriques : les grands instituts de mesure d’audience des sites Internet (Nielsen Netratings, Comscore) ont entrepris d’investir lourdement sur la R&D autour de ces métriques pour affiner leurs outils. Mais les travaux du CINDOC pointent aussi le fait qu’un approfondissement de certaines facettes des métriques du Web est nécessaire dans le cadre d’une approche comparative internationale des performances des systèmes nationaux d’enseignement supérieur et de recherche.

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