« Le manager malgré lui » : quand Molière éclaire la bêtise organisationnelle

Illustration de Pierre Brissart pour une édition de 1682 du Médecin malgré luiWikimedia commons

Dans un essai intitulé « The stupidity paradox », les professeurs Mats Alvesson et André Spicer mettent en garde les managers des institutions bureaucratiques qui ne laissent aucune place à l’expression de l’intelligence humaine. À cet égard, ils parlent d’un phénomène de « stupidité fonctionnelle ». Au cœur de leur paradoxe, ils dénoncent l’affectation des salariés les plus compétents aux tâches les plus stupides.

Le plus édifiant dans l’ouvrage d’Alvesson et Spicer, c’est la manière dont ils démontrent l’attrait suscité par cette stupidité fonctionnelle sur le court terme. En effet, l’absence de remise en question et la conservation de structures processuelles séculaires assurent une certaine stabilité et des économies de moyens conséquentes. Cependant, lorsqu’elle est pensée sur le long terme, la stupidité fonctionnelle devient dévastatrice. Elle est marquée par l’imitation de la concurrence et la poursuite d’objectifs spécieux. Cette stupidité pérenne devient alors la plus pure illustration de la bêtise.La paradoxe de la stupidité (Ghislain Deslandes, 2017).

La littérature comme réservoir de motifs

Quatre siècles avant Alvesson et Spicer, Molière s’intéressait lui aussi à la bêtise, mais dans un tout autre contexte que celui des organisations. En observateur acerbe de la société de son temps, Molière a mis en scène la plupart des travers humains : l’avarice, l’hypocrisie, l’infidélité et surtout la bêtise. Dans Le médecin malgré lui, le dramaturge français nous offre une caricature sans concession des médecins du Grand Siècle. Dès lors, l’écriture satirique du dramaturge apparaît essentielle pour mieux comprendre les rouages subtils de la bêtise humaine.

Et si finalement Molière devenait un auteur tout aussi incontournable qu’Alvesson et Spicer pour penser la bêtise dans les organisations ? Il s’agirait alors de considérer la littérature comme un réservoir de motifs dans lequel on viendrait puiser des éléments de réflexion pour mieux comprendre ce qui se joue dans les organisations.

Cette invitation à un dialogue entre les deux champs disciplinaires a notamment été initiée par l’économiste et professeur émérite à Stanford, James Gardner March. En effet, ce professeur a marqué des générations d’étudiants en délaissant les classiques « études de cas » pour travailler à partir d’œuvres littéraires comme « Guerre et Paix » ou « Don Quichotte ».

Dans l’ouvrage collectif Littérature et management paru en 2018, les professeurs Fabien de Geuser et Alain Max Guénette saluent eux aussi les potentialités offertes par la littérature pour enrichir les modèles gestionnaires. Dès lors, littérature et sciences de gestion ne doivent pas être envisagées comme deux champs hermétiques mais bien comme deux domaines qui s’interpénètrent mutuellement.

Les deux formes de la bêtise

On distingue traditionnellement deux formes de bêtise. Il y a tout d’abord une bêtise première, une bêtise essentielle qui est l’apanage de l’inculte, de l’ignorant et de l’incompétent. Elle résulte de l’absence d’études approfondies ou d’un manque de compétences techniques. Même si elle peut se révéler dangereuse, cette première forme de bêtise est curable grâce à l’injection soutenue des connaissances qui font défaut.

Cependant, s’il suffisait d’être intelligent pour ne pas être bête, autrement dit si la bêtise n’était qu’une affaire d’inculture ou d’ignorance alors l’espoir serait permis. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples.

Loin d’endiguer la bêtise, l’intelligence peut avoir pour effet de donner à l’imbécile la conviction littéralement confortable que la bêtise ne le concerne pas. C’est ce que le philosophe Clément Rosset appelle la « bêtise du second degré », c’est une bêtise intelligente mais foncièrement incurable puisque l’imbécile croit qu’il est déjà sauvé. L’homme bête brandit alors sa culture comme un parafoudre oubliant par là même qu’il suffit de croire qu’on échappe à la bêtise pour tomber dedans.

Dans ces conditions, la bêtise n’épargne personne, c’est une menace incessante et cette menace, l’imbécile y succombe d’autant plus aisément qu’il se croit à l’abri. Dès lors, cette bêtise du second degré n’est pas tant une affaire de contenu qu’une affaire de forme. La bêtise n’est pas du tout comme on le croit habituellement une chute ou une rechute dans l’animalité ou dans l’anormalité, elle n’est pas irrationnelle, c’est au contraire l’affirmation d’une raison suffisante, d’une raison outrecuidante, imbue d’elle-même et qui se réclame des grands principes de la logique.

Quand le costume ne fait pas le manager

Il faut ici rappeler que dans les « entreprises, le management fait souvent partie des propositions d’évolution ». On serait ici tenté de pasticher Simone de Beauvoir, dans Le deuxième sexe en affirmant qu’« on ne naît pas manager, on le devient ».

Il suffirait alors de quelques cours reçus en MBA ou de quelques séminaires de coaching pour faire du salarié lambda un encadrant crédible. Si le costume ne fait pas le manager, le titre fonctionne encore moins comme un énoncé performatif. Il ne suffit pas de décréter un salarié manager pour qu’il le devienne effectivement. L’ancienneté et quelques conseils reçus sur le tas ne permettront pas nécessairement de faire d’un bon technicien un manager digne de ce nom.

C’est là où Molière nous donne de précieuses leçons avec sa pièce « Le Médecin malgré lui ». En effet, on y découvre le personnage drolatique de Sganarelle, un bûcheron et ivrogne notoire converti en médecin pour échapper aux coups de bâton. En enfilant les vêtements des médecins du XVIIe siècle, Sganarelle multiplie les ruses et prend sa nouvelle fonction très au sérieux. Tout au long de la pièce, il s’ingénie à dispenser de véritables consultations. Si on suit le sens littéral du texte, l’attitude de Sganarelle déguisé en faux médecin relève avant tout d’une bêtise du premier degré, c’est-à-dire de l’incurie de celui qui ne sait pas vraiment ce qu’il fait.

« Le malade imaginaire » (Honoré Daumier, autour de 1860). Wikimedia

Tout comme on ne s’improvise pas médecin, on ne s’improvise pas manager non plus. La négociation, l’intelligence relationnelle ou encore le leadership sont des qualités essentielles qui oscillent entre innéité et acquisition. On peut aisément transposer le ridicule provoqué par l’imposture de Sganarelle à certaines situations managériales. Le nouveau manager se retrouve alors parachuté du jour au lendemain dans un rôle qui n’est pas le sien par un simple mécanisme de promotion. Il devient manager malgré lui.

Le cas du « sale con »

Le « sale con » ou « asshole » pour reprendre le terme du professeur Robert Sutton que l’on peut rencontrer dans les organisations est l’archétype de ce que Rosset appelle la bêtise du second degré. Tel Moïse sauvé des eaux, le « sale con » pense échapper à la bêtise en brandissant un pseudo-vernis managérial en guise de paratonnerre.

Malgré le caractère frivole de la sémantique utilisée par Sutton, le sujet est très sérieux voire même capital pour les organisations. Pour ce théoricien du management, il apparaît indispensable d’analyser le comportement des individus pour en comprendre les conséquences organisationnelles. Sutton établit notamment une distinction entre le « sale con occasionnel » et le « sale con certifié ». Le premier a pu se laisser aller ponctuellement à un comportement déplacé tandis que le second use en permanence d’une attitude toxique envers ses subordonnés. Même si le premier doit faire l’objet d’une surveillance, le second représente un véritable danger pour les organisations.

Chez Molière, il faut se hisser au-delà du discours de Sganarelle et des protagonistes pour comprendre la portée globale de la pièce. Il s’agit alors de dépasser la lettre du texte à proprement parler pour en comprendre l’esprit. Dans « le Médecin malgré lui », Molière nous propose plus largement une satire de la médecine de son temps qui reste encore valable de nos jours.Acte II, scène 4 du Médecin malgré lui : Sganarelle « ausculte » Lucinde (Théâtre Hatier, 2015).

Le jargon pédantesque employé par Sganarelle est un moyen efficace pour élaborer une critique acerbe des théories et des pratiques médicales en vigueur. Si le cas particulier de Sganarelle relève davantage d’une bêtise du premier degré en raison de son inculture scientifique, le cas plus général des médecins est la parfaite illustration d’une bêtise du second degré. Molière fustige ici le mythe du médecin thaumaturge capable d’accomplir des miracles. En réalité, le praticien ne fait que reprendre les dires des Anciens, sans les contrôler par l’expérience. L’honneur est sauf tant que la théorie est respectée.

Le recours systématique aux sentences latines est aussi une des caractéristiques de l’art médical de l’époque. Que personne n’y comprenne rien importe peu, l’essentiel pour le médecin, c’est de se comprendre lui-même. Une telle attitude est le symptôme aigu d’une autosuffisance identitaire qui refuse de s’ouvrir à autrui, de dialoguer et d’argumenter. Dès lors, Molière s’inscrit dans la longue tradition littéraire de la satire des médecins. On les moque, on rit d’eux pour dénoncer leur inefficacité ainsi que leur vanité et leur insupportable superbe. Le « sale con » évoqué par Sutton est ici esquissé en filigrane.

« Vouloir conclure »

Difficile de trouver le mot de la fin sur un tel sujet. En effet, Flaubert rappelle dans sa « Correspondance » que : « la bêtise consiste à vouloir conclure ». C’est la volonté qui est importante ici. En effet, toute conclusion n’est pas bête. C’est la volonté de conclure, c’est-à-dire d’avoir le dernier mot, le mot de la fin qui relève d’une bêtise profonde. Risquons-nous malgré tout à quelques mots de conclusion. En mettant en scène un bûcheron grossier devenu médecin, Molière nous invite plus que jamais à débusquer les imposteurs et autres charlatans qui peuplent nos existences.

Pour le philosophe Alain Roger, nul doute que la bêtise absolue résulte d’un ego surdimensionné et d’une confiance en soi inébranlable. Autosuffisance, pédanterie et sentiment insulaire, tels sont les signes de celui qui se prend pour l’unique but de ses actions. En somme, qu’il s’agisse des médecins ou des managers, tous feraient mieux d’admettre qu’ils ne sont pas omniscients, ils en seraient bien plus respectables.


Article rédigé sous la supervision de Ghislain Deslandes, philosophe et professeur à ESCP Business School.

Ateliers ZOTERO

Depuis plusieurs années, nous avons fait évoluer le renseignement aux usagers en testant diverses formules.

Cette année, nous avons choisi de supprimer le service de renseignement classique, c’est à dire des bibliothécaires de permanence dans un bureau de renseignement entre 10h et 17h. Cette formule est très satisfaisante pour les personnes qui en bénéficient, mais ces personnes sont bien trop rares. En termes de management, nous ne pouvons plus nous permettre de monopoliser du personnel sur des durées aussi longues…

Nous mettons en place, à la rentrée 2012, plusieurs actions :

  • astreinte hebdomadaire ou bi-hebdomadaire par personnel de 9h à 17h
  • interface de renseignement en ligne accessible 24h/24, réponse dans les 48h
  • ateliers de formations thématiques entre 13h et 14h30

Cette formule d’ateliers de formation a été testée en juin dernier de manière très positive. Le thème proposé était la formation à Zotero. Les plages horaires étaient variées pour permettre aux usagers (doctorants, internes en médecine) de venir dans le cadre de leurs disponibilités. Un atelier va accueillir entre 2 et 10 personnes, et toujours des personnes très motivées.

Distrait, moi ? Non, je travaille en multi-tâches !

Etre capable de faire plusieurs choses à la fois, voire même de travailler en multi-tâches : c’est une chose pour laquelle nous ressentons généralement de la fierté. Et au moment où les outils et les environnements numériques sollicitent continuellement notre attention, c’est sans doute une capacité très utile. Pourtant, une infographie proposée par OnlineCollege.orget relayée par Mashable est formelle : la recherche montre que seulement 2% d’entre nous sont réellement capables de travailler en multi-tâches. Pour tous les autres, cela se solde par une baisse de productivité dont nous n’avons parfois même pas conscience. Alors, pouvons-nous vraiment être certains de faire partie du lot ? L’enquête suggère en tout cas que nous confondons le multi-tâches avec de réelles distractions. Et voici quelques uns de ses enseignements : > Des sollicitations numériques omniprésentes… – En moyenne, un employé utilisant un ordinateur au travail est interrompu une fois toutes les 10 minutes – selon une autre étude, cela pourrait m…

Ouvertures tardives…

Juste au moment où le ministère déclenche le plan de modernisation des BU, on se lance dans une extension des horaires d’ouvertures, suite à l’expérimentation de novembre 2008. Nous allons ouvrir 6 semaines en 2010 de 8h à 22h, du lundi au jeudi, à des dates judicieusement choisies en période de révision des examens. Cette opération est soutenue par l’université dans le cadre d’une Dotation Sur Projet, ce qui nous permettra d’embaucher des moniteurs-étudiants ainsi qu’un vigile, de financer un système antivol RFID et de réhabiliter 2 salles de lecture. Des personnels volontaires pourront participer, il est urgent que le décret sur les heures supplémentaires des fonctionnaires soit publié…

Ce plan « Bibliothèques » repose sur 5 engagements principaux et je m’aperçois que nous sommes curieusement en phase :

  • plus d’ouverture aux vacances de Pâques
  • label « NoctamBU » en cours
  • plus d’ouvrages en accès libre grâce au développement du numérique : une première offre de plus de 400 ouvrages en informatique
  • une politique documentaire renforcée : depuis le 1er janvier 2010 le passage au tout électronique est bien engagé
  • des bibliothèques plus fonctionnelles : nous avons un projet bien avancé de transformation d’un magasin en salle de lecture

Médiation numérique

Aujourd’hui, j’ai assisté à une journée d’étude sur la médiation numérique.

Les diverses interventions ont bien mis en évidence la nécessité d’être « les journalistes de nos collections », de mettre en scène les collections, de « faire » du lien social, de valoriser et prolonger virtuellement les expositions… En résumé, il faut être présent là où sont les utilisateurs potentiels, il faut inciter les professionnels à pratiquer et à expérimenter, il faut mettre les publics en situation de participer. L’idée principale étant de ne plus offrir une solution unique d’accès aux ressources : l’opac ; mais bien de proposer un panel varié et adapté de « chemins » vers le document !

Tout cela m’a conforté dans mon idée de structurer l’accès aux ressources à partir d’un site web offrant les services de base (catalogue, renseignement en ligne, accès à la documentation électronique, horaires…), site web complété par un « nuage de blogs » permettant d’assurer  et de développer un travail de documentaliste à savoir le développement, l’animation et le suivi de thématiques. Un ou plusieurs professionnels deviennent les animateurs, les référents d’un domaine, les interlocuteurs privilégiés dont l’outil de médiation principal est le blog, l’agrégation de contenus, la mise en exergue de documents du fonds documentaire, de documents de la bibliothèque numérique. Cette nouvelle manière d’exercer son métier n’est pas si nouvelle en soi, puisqu’il s’agit entre autre de valoriser les collections par des dossiers documentaires. Il est important, à mon sens, que ces activités soient intégrées clairement dans les profils de poste.

Ouverture en soirée – aspects techniques

Ouverture d’un bâtiment en dehors des horaires habituels

La Bibliothèque de Médecine est un Etablissement Recevant du Public classé en catégorie 2 (ERP 2) dont les conditions d’ouverture sont encadrées strictement par la législation en cours. Je précise qu’il s’agit d’un bâtiment à part entière situé sur un campus qui sera « presque complétement » désert entre 19h et 22h.

L’article MS52 du 25 juin 1980 stipule qu’un représentant de la direction doit être présent pendant les heures d’ouverture au public. Il convient d’entendre par représentant de la direction de préférence un cadre (catégorie A) qui a autorité pour prendre des décisions et mettre en œuvre des mesures liées à la sécurité dans la zone concernée. En particulier, il doit avoir être capable d’interpréter les informations de la centrale SSI : évacuation, zone en feu, …. Ce sera le cas pendant la période de test. Ensuite, nous prévoyons d’ouvrir une salle indépendante du reste du bâtiment, équipée de toilettes et permettant une ouverture autonome dans des conditions moins contraignantes.

Ensuite, il faut éviter les situations de « travailleur isolé » : le travail isolé se définit comme étant la réalisation d’une tâche par une personne seule, dans un environnement de travail où elle ne peut être vue ou entendue directement par d’autres (hors de vue ou de portée de voix d’autres personnes).

Enfin, il faut une personne d’astreinte sur le plan sécurité incendie. Nous disposons d’une personne logée sur place qui assumera cette tâche avec du personnel de la Faculté.

Travailler en soirée

La encore ce n’est pas si simple. La législation est pourtant claire : les heures de travail légales pour les fonctionnaires se situent entre 6h et 22h. A cela il faut ajouter que l’amplitude horaire maximale de travail par jour est de 11h, qu’une personne quittant sont travail à 22h ne peut retravailler avant 9h le lendemain matin et que le jour travaillé jusque 22h on ne peut prendre son travail avant 11h du matin pour respecter l’amplitude horaire maximale. Il faut souhaiter bon courage à la personne ayant en charge les plannings… surtout si l’on ajoute les temps de pause : pause méridienne de 45mn minimum + pause repas en soirée prise sur les 20mn de pause quotidienne réglementaire.

En résumé, on a du personnel qualifié qui travaille en soirée et qui n’est pas présent en journée, on peut bien sûr le remplacer par des moniteurs-étudiants mais ce n’est pas équivalent.

Ensuite, il faut avoir la capacité à rémunérer convenablement les personnels sur ces horaires inhabituels !

Ouverture en soirée

Durant tout le mois de novembre, nous allons tester l’ouverture de la Bibliothèque de Médecine jusque 22h. Il s’agit pour nous de répondre à une demande des étudiants de 2ème et 3ème cycles d’études médicales. Ce test s’effectuera avec l’ouverture de la salle de lecture regroupant des documents de préparation au concours de l’internat en présence d’un professionnel aidé de 4 moniteurs-étudiants. S’il s’avère concluant nous transformerons un magasin de périodiques en salle de lecture accessible avec lecteur de carte étudiant sous la surveillance de 2 moniteurs-étudiants. A suivre donc…

Faire face aux évolutions

L’année 2008 sera à coup sûr une année qui verra la profession évoluer à un rythme soutenu. Tous les indicateurs le montrent : passage au tout électronique en cours, plateformes web pour l’hébergement des documents (thèses, mémoires, cours…), renseignement en ligne, ouvrages de référence en ligne, PEB en ligne, première phase d’expérimentation avec les ebooks… Tous ces éléments vont de pair avec une diminution de l’utilisation des collections imprimées et une modification du rôle dévolu à la bibliothèque universitaire et à ses personnels.

Le constat actuel est que la bibliothèque est utilisée à 99% par les étudiants de 1er et 2ème cycles qui sont demandeurs de ressources en ligne et de services locaux et en ligne. Depuis quelques temps déjà, j’ai pris pleinement conscience du fait que cette évolution touche de plein fouet les personnels de magasinage dans leur activité statutaire et que je me devais de réagir face à ces changements et/ou bouleversements, sachant pertinemment qu’il ne s’agit que d’une première vague d’un « tsunami » qui touche/va toucher la totalité de la profession.
Ma première action fut de faire évoluer ces personnels sur des compétences et une autonomie dans l’utilisation de l’outil informatique bureautique et documentaire, puis de les inciter à participer au renseignement. Ces premiers changements ont eu le mérite de valider le fait qu’il devait y avoir un changement suivi d’une évolution dans la conception des tâches dévolues aux magasiniers. Mais il reste certain que cette adaptation n’est pas forcément la meilleure pour l’ensemble des personnes de cette catégorie. Il me fallait trouver d’autres voies, d’autres possibilités pour ancrer ces personnels dans des compétences documentaires ou liées à la documentation.
La mise en place d’une plateforme locale d’archivage et de diffusion des thèses et mémoires basée sur ORI-OAI m’a fourni une seconde voie de réflexion et d’expérimentation. J’ai imaginé que cette plateforme devait être alimentée par des documents courants (dépôt électronique obligatoire) et par des documents rétrospectifs. La prise en charge par les magasiniers de cette partie rétrospective me semblait une solution, il s’agit en clair de mettre en place un worflow de numérisation des documents. Pratiquement, nous avons équipé une salle avec un photocopieur-numériseur (noir/blanc), un scanner couleur avec bac d’alimentation, un massicot et un micro-ordinateur connecté au réseau. Nous avons réunis les personnels en leur expliquant nos objectifs et demandé 2 volontaires pour expérimenter. Chaque magasinier est affecté à ce poste 2 1/2 journées par semaine. Les documents concernés par l’expérimentation sont les thèses ou mémoires demandés en PEB, puis la conversion rétrospective des thèses s’il reste du temps. Les tâches sont les suivantes : le double « papier » du document est massicoté, puis numérisé en PDF 300dpi ; ensuite vient une phase de vérification du fichier numérisé en comparaison de l’original imprimé, suivi d’éventuels ajouts de numérisation de pages en couleur. Le fichier PDF produit est alors pris en charge par la personne assurant la fonction de secrétariat (incluse dans la phase d’évolution des tâches) qui enrichit le document par une page d’information et surtout par des signets permettant d’atteindre directement chaque paragraphe à 3 niveaux de profondeur. Depuis janvier 2007, un peu plus de 600 documents ont été numérisés.
La première valorisation de ce travail a été observée dans la demande PEB qui apprécie beaucoup de bénéficier rapidement (2 jours de délai de traitement) d’un document enrichi qu’elle peut exploiter et conserver ; dans la numérisation à la demande qui est réalisée pour des lecteurs éloignés (du Luxembourg notamment). Une seconde phase de valorisation de ce travail va être constatée lors du dépôt de ces documents sur une plateforme et par la génération d’URL pérennes qui seront intégrées dans le catalogue. L’ensemble de cette opération est supervisé par une bibliothécaire qui assure le lien entre le signalement dans le SUDOC et dans le SIGB. Après une année d’expérimentation, je ne peux qu’être satisfait du travail effectué mais surtout de la revalorisation apportée au statut de magasinier dans l’établissement. Je considère tout cela comme une étape, un exemple qu’il faudra renouveler pour d’autres catégories professionnelles dans un avenir proche.