Je souhaite répondre aux commentaires qui ont été émis suite au post de nicomo « Bilan 2007« .
Je comprends parfaitement les interrogations et les frustations que je vis personnellement depuis un peu plus longtemps…
Concernant la mise à disposition des sources, je l’ai vécu avec « Ejournals« : un outil que j’avais fabriqué pour proposer l’offre « Périodiques électroniques ». Sa mise à disposition a provoqué des mails, des coups de fils, des pages webs et une assistance soutenue ; ce n’est pas anodin comme le dit clairement Paul. On se trouve face à des personnes qui sont persuadées que vous leur devez une assistance, et tant que ça ne tourne pas chez eux, ils ne vous lâchent pas !
Pour ce qui est de l’impatience exprimée par Daniel (dernier paragraphe de son post) au sujet de l’évolution des pratiques collectives des professionnels, je crois que nous avions fait un constat semblable avec Nicolas lorsqu’il bossait à Nancy, il y a maintenant de celà quelques années (cf déclaration de 2002)… Objectivement, je pense qu’il y a une nette évolution de la profession en faveur de personnes qui agissent et ont une connaissance aigüe des nouvelles technologies, le terrain est nettement plus favorable. Par contre, les générations de décideurs en place (les directeurs de bibliothèques) sont, pour la plupart, encore loin d’avoir conscience des enjeux (à mon avis). Le fait qu’ils s’expriment peu sur ces problématiques renforce cette impression. Lorsque l’on parle de fonctionnalités Web 2.0 pour les interfaces proposées aux utilisateurs, on est dans la technique, dans le charabia informatique ; celà me rappelle les années 90, lorsque je travaillais sur ordinateur et que l’on me demandait : « Qu’est-ce que tu bricoles ? ». Voilà, toute la fracture est là, il y a confusion entre la technique utilisée et les objectifs de service à atteindre. Daniel le dit autrement : « la gestion du SIGB et du SI ne doit plus être considéré comme un travail à la marge, effectué par de petites équipes de geeks chevelus venus d’ailleurs… ». A mon sens, le problème vient du fait que l’on associe la technologie à un monde inconnu, qui est l’affaire de spécialistes. On ne distingue pas suffisamment les objectifs des moyens mis en œuvre pour les atteindre. Il faut effectivement constituer des équipes dirigées par une personne définissant les objectifs (évolution des interfaces, des services…), et cette personne sera entourée d’informaticiens et des bibliothécaires-informaticiens et de bibliothécaires pour construire les outils et atteindre les objectifs fixés.
Mais on ne fait que reproduire le modèle de notre université, où les Centre de Ressources Informatiques ont la charge des projets structurants de l’université. Là aussi il y a confusion entre technologie et politique universitaire. Lorsque l’on veut moderniser les scolarités, on demande aux informaticiens de créer des outils, et de fait de créer un workflow. Puis l’on se tourne vers les responsables de scolarités et leurs personnels, et on leur dit « maintenant il faut utiliser cet outil qui est une brique du système d’information de l’université ! ». Et les exemples sont nombreux où la réflexion sur les outils est portée par les informaticiens sans que les responsables de services soient associés le moins du monde à la réflexion d’entame de projet. Autre exemple encore plus frappant, les plateformes de dépôt de documents pédagogiques. Combien d’enseignants ont été consultés pour savoir si le fait de leur mettre à disposition un outil permettant de déposer leurs cours et de piocher dans ce réservoir pouvait les intéresser. Il y a là un changement fondamental de leurs pratiques ! Conséquence, les plateformes existent mais combien d’enseignants les utilisent ? Il faut désormais faire des efforts importants pour les convaincre qu’il y a intérêt à utiliser de tels outils. Mais est-ce vraiment comme celà qu’il fallait gérer ce projet ?
Pour en revenir aux bibliothèques, je reste persuadé que l’on fonctionne souvent à l’envers. Le cas du résolveur de liens est significatif. On parle de l’outil et de sa technicité avant de parler des fonctionnalités que l’on voudrait pouvoir offrir. D’où ces incompréhensions et ces problèmes de définition. Je crois au respect de la logique : 1 bilan de l’existant / 2 objectifs à atteindre / 3 moyens à mettre en oeuvre.
» Par contre, les générations de décideurs en place (les directeurs de bibliothèques) sont, pour la plupart, encore loin d’avoir conscience des enjeux (à mon avis). » : ça, c’est carrément inquiétant…
Inquiétant, non. Mais il suffit de faire un tour sur les sites web des BU pour se rendre compte du boulot qu’il reste à faire… On fera le bilan fin 2008 !
Et puis, sur ça : « Pour en revenir aux bibliothèques, je reste persuadé que l’on fonctionne souvent à l’envers. » : est-ce qu’il ne faudrait carrément pas retourner tout le process ? Passer de CRI->Bibs->Usagers à Usagers->Bibs->CRI ?…
Quand demandons-nous à nos usagers ce qu’ils veulent ?… Même nous, bibs, je crois que nous avons une vision faussée de leurs besoins ;-(
« Je crois au respect de la logique : 1 bilan de l’existant / 2 objectifs à atteindre / 3 moyens à mettre en oeuvre. » On dirait de la science fiction mais c’est tellement beau… que j’en rêve régulièrement. Si seulement c’était vrai.
Quand vous dites : « les générations de décideurs en place (les directeurs de bibliothèques) sont, pour la plupart, encore loin d’avoir conscience des enjeux (à mon avis). Le fait qu’ils s’expriment peu sur ces problématiques renforce cette impression. Lorsque l’on parle de fonctionnalités Web 2.0 pour les interfaces proposées aux utilisateurs, on est dans la technique, dans le charabia informatique (…)Voilà, toute la fracture est là, il y a confusion entre la technique utilisée et les objectifs de service à atteindre. (…) le problème vient du fait que l’on associe la technologie à un monde inconnu, qui est l’affaire de spécialistes. » , je suis d’accord. Je suis moi-meme un vieux (plus de 50 ans) bibliothécaire et j’ai fait des pieds et des mains pour entrer la-dedans, sans formation, sans « vécu générationnel » evidemment, et donc sans aucune facilité. Fort heureusement j’au su m’entourer de tripoteurs géniaux, pour finalement produire du service à peu pres à la hauteur. Et ça m’interesse bougrement (expression de vieux, pardon), mais techniquement je suis freiné, j’ai parfois l’impression d’avoir largement atteint mon seuil de Peters en lisant vos articles.
Là où c’est plus délicat, c’est de croire que c’est cette fracture, technologique, (j’ajouterais aussi juridique) qui empêche des « décideurs en place » d’avoir conscience des enjeux, et de participer davantage au débat. Je ne suis pas d’accord. Je dirai plutôt que nous sommes les premiers sans doute à nous poser immédiatement, et depuis longtemps face au « nouveau », la question automatique du « à quoi à ça va servir », à qui, et ça nous emmème ou tout ça ? Des questions-reflexes qu’un vieux routard des années 70-80, qui a vu passer pas mal de modes, se pose automatiquement. Nous sommes assez en prise avec la finalité de nos structures , ET probablement avec la question des vrais besoins du publics, pour avancer avec prudence sur ces voies où, il est vrai l’abord n’est guère facilité par le langage utilisé et l’impression permanente d’entrer dans un club privé aussi louche qu’excitant.
Quand dbourrion dit « retourner tout le process ? Passer de CRI->Bibs->Usagers à Usagers->Bibs->CRI ?… », je ne pige pas grand-chose, sauf qu’il met finalement Usagers en tête de sa formule (magique ?), et ça, ça me parle bien.
Franchement ne fantasmez pas trop sur une generation de décideurs dépassés, voire « contre », parce que trop discrets. On est un peu timides sur ces trucs là, à cause du côté magique et des « geeks chevelus » (c’est quoi, un geek ?), mais on suit le truc avec attention. On sait aussi ce que ça coûte de rater un train…
J’ai pu constater par contre que les jeunes au doigts de fées dont je m’entoure pour tout ça, alors pour le coup, eux, ne comprennent rien à l’utilité de la chose en bibliothèque. Leur discours est inversé : en gros, c’est on prend toute la technologie disponible d’abord, son usage ira de soi ensuite, tu verras.
Alors moi je leur dis : ne perd pas ton temps à m’expliquer comment ça marche ton truc, de toutes façons j’aurai tout oublié dans les dix secondes. Mais explique moi à qui ça va s’adresser, comment tu vas faire y acceder le public et quelles modifications ça va apporter à notre organisation du travail et la finalité de la structure en général. Et on verra si ça vaut le coup!
Et là, le magicien -tombédedansquandilétaitpetit-il me regarde avec des yeux ronds, comme tu regardes un excrément canin sur ton paillasson le soir en rentrant dans ta cambuse. Perdu. Comme si je lui demandais si c’est utile d’avoir tous ces gadgets sur son portable « qui te foutra le cancer du cerveau, en plus ». UTILE ? une question qui lui parait inutile, justement. C’est là la fracture, à mon avis. On voit débouler dans nos structures Edward aux mains d’argent, qui va nous refaire le paysage de la mediatheque en trois coups de web machin, et qui nous dira peut-être apres ce qu’on pourra en faire. Nous, on dit simplement « mollo », mais on y va quand mème, avec lui. Doucement. C’est tout.
Mais bon, ça avance. Tant que le public ne reculera pas…
Nous on en a encore pour dix ou quinze ans à tenir la boutique. On a pas envie de la voir partir en confettis avant l’heure.
Ya deuxsemaines, j’ai découvert une clé USB, un truc genial, tout petit, qui me permet d’amener du boulot à la maison.Y a trois ans j’a osé acheter une souris sans fil. Pour moi, ce sont de grands progrès. Pour vous c’est de la gnognotte basique, je suppose. Faut comprendre, les p’tits gars…